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Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich

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Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich Empty Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich

Message  Telimectar Mer 10 Déc 2008 - 1:05

Le renoncement à la santé, D'Ivan Illich, glané ici, est un texte non pas fondamental, mais qui nous entrouvre une porte : une vie avec moins de médicalisation est possible.


Origine http://pros.orange.fr/tansen/bioethics/power/renoncement.htm
--------------------------------------------------------------------------------

Voici vingt ans, j'ai publié un ouvrage intitulé Némésis médicale. Il s'ouvrait sur cette phrase « l'entreprise médicale est devenue un danger majeur pour la santé ». A l'époque, cette formulation était puissamment chargée de sens. La lirais-je chez un auteur d'aujourd'hui que je riposterais : « Et puis après? ». En effet, le danger majeur ne réside plus dans l'entreprise médicale, mais dans la quête de la santé.

Dans la discussion universelle actuelle sur les systèmes de santé, deux mots reviennent très fréquemment: santé et responsabilité. Ces termes entrent dans deux types de discours. D'un côté les soins de santé sont considérés comme une responsabilité incombant à l'état, aux professionnels ou aux gestionnaires; de l'autre, on estime que chacun doit être responsable de sa santé. « Prendre en main la responsabilité de sa santé », tel est actuellement le slogan qui a la préférence, et est en passe d'être annexé par le sens commun. Le fait que je parle au Québec, dans une communauté politique qui s'efforce de distancier ses principes directeurs des modes internationales, m'encourage à critiquer ces positions. Voilà pourquoi je veux argumenter le bien-fondé d'opposer un « NON » catégorique à l'idée de rendre publiquement les citoyens comptables de leur santé. Et aujourd'hui, en 1994, je suis loin d'être le seul à adopter cette attitude.

Mais il y a un risque. Notre « non merci! » devant la perspective d'une nouvelle politique sanitaire peut être interprétée et exploitée de cinq façons différentes pour faire exactement l'inverse de ce à quoi nous visons.

1. En premier lieu, certains comprennent que le « non » à la santé sous la responsabilité personnelle de chacun implique qu'une mise en tutelle du citoyen s'impose. La santé, prétend-on, est trop précieuse pour être laissée à la discrétion des profanes. Je rejette catégoriquement cette arrogante imputation d'incapacité. Depuis trente ans, j'ai défendu publiquement la décriminalisation totale des pratiques d'auto-intoxication, ce qui n'implique nullement que je leur donne une caution morale. Et je persiste à prôner l'abolition de toutes les dispositions légales à l'encontre de la consommation de drogues et des méthodes curatives non classiques ou non homologuées. Dans le sillage de Paul Goodman, je fonde mon insistance sur le respect que nous devons à la dignité des plus faibles.

2. Deuxièmement, mon « non » fondamental n'a aucun rapport avec la rareté présumée des agents curatifs. Aujourd'hui, des populations succombent en masse à la famine et non par manque d'interventions médicales ou chirurgicales. Et plus les gens sont pauvres, plus ils sont susceptibles d'être les victimes impuissantes d'une médecine au rabais. Pendant vingt ans, j'ai défendu l'idée que la consommation médicale, au-delà d'un seuil très bas, devrait être frappée de taxes de luxe comme le sont l'alcool. le tabac et les loteries. En taxant les dialyses, les pontages et les ACT, on obtiendrait les moyens de financer pour tous -- même à Sumatra -- des interventions telle que l'appendicectomie.

3. En élevant mon « non », je ne me pose pas en penseur planétaire s'efforçant de frayer la voie à une dictature écologique. Je n'imagine pas qu'il puisse exister un quelconque système de régulation capable de nous sauver du déluge de poisons, de radiations de biens et de services qui rendent plus malades que jamais les hommes et les animaux. Ce monde ne comporte pas d'issues de secours. Je vis dans une réalité fabriquée, constamment plus éloignée de la création. Je sais aujourd'hui ce que cela signifie et quelles horreurs menacent chacun de nous. Il y a quelques décennies, je l'ignorais. Il me semblait alors possible de prendre ma part de responsabilité dans le monde. « Être bien portant » ou « être bien soigné » se ramène à une combinaison de trois facteurs: prestations techniques, protection de l'environnement et adaptation aux conséquences de la technologie, facteurs qui constituent inévitablement des privilèges.

Dans la vallée mexicaine qui m'est familière, le village continue de dénommer ses fêtes populaires d'après le cycle de plantation et de croissance du maïs bleu mais il y a déjà quinze ans que cette céréale elle-même n'est plus qu'un souvenir. Et l'argent manque pour financer les techniques de culture d'hybrides, par ailleurs destructrices. Et il n'y a aucune protection contre les nuages délétères que répand la grande exploitation agro-alimentaire du lieu. Mais on ouvre de nouveaux centres voués à la pédagogie sanitaire, ce qui permet de jeter quelques rognures à la piétaille enthousiaste des verts. C'est pourquoi mon « non » n'est pas assurément un « oui » à la pédagogie de la santé qui implique la gestion de systèmes toxiques.

4. Si je dis « NON » , ce n'est pas pour défendre une nouvelle éthique de la souffrance SOUS la direction de conseillers des endeuillés et d'accompagnateurs des moribonds qui trouvent dans la maladie et la mort modernes un moyen de se révéler à eux-mêmes. Je ne me range pas non plus dans le camp de ces gnostiques et philosophes qui gèrent le remodelage de ce monde artificiel. Aujourd'hui, j'ai appris ce qu'est l'impuissance. La « responsabilité » est désormais une illusion. Ils nous proposent d'admettre les inéluctables épidémies de l'âge postindustriel comme une sorte de santé sublimée. Je ne réserve nul « oui » au monde de la sujétion totale, à la médiatisation de l'impudence, tellement en vogue chez les philosophes du postmodernisme. Moi, je m'applique à cultiver l'indignation. L'air moderne de souffrir exige d'affronter une angoisse sans précédent. Il ne peut être enseigné mais seulement appris dans une amitié toujours renforcée. Ce qui nous accable aujourd'hui est entièrement nouveau. Ce qui détermine notre époque depuis Rachel Carson c'est l'acceptation réaliste croissante d'une perniciosité sans fin qui est aujourd'hui le thème de pompeux débats sur les orientations et les besoins en matière d'atome, de gènes et d'interventions neurologiques. Voilà les maux qui nous laissent sans voix. Contrairement à la mort, à la pestilence et aux démons, ces maux-là n'ont aucun sens. Bien que dus à l'homme, ils révèlent d'un ordre non humain. Ils nous réduisent à l'impuissance, à l'incapacité, à l'aboulie. Ces maux, nous pouvons les subir, en pâtir, mais non leur donner un sens, les interpréter. Seul celui qui trouve sa joie dans ses amis est capable de leur résister. Aussi y a-t-il un univers entre notre « non » et toutes les acceptations dociles des retombées secondaires du progrès.

5. Enfin, il serait stupide ou malveillant de taxer d'indifférence cynique le « NON » à la pénalisation des comportements antihygiéniques. Au contraire! Dans mes réflexions, la première place est occupée par la multitude par des gens innombrables dont quatre décennies de développement ont détruit l'espace architectural, technique et culturel d'où les arts traditionnels de souffrir et de mourir tiraient leur sève. Aujourd'hui, la vaste majorité des hommes est pauvre, et les sous-développés deviennent encore plus pauvres. Lorsque nous disons « non » à l'implantation de systèmes qui promeuvent la quête de la « santé », chez nous ou à l'extérieur, nous parlons avant tout de quelque chose qui m'apparaît impensable: quatre milliards d'hommes plongés dans la misère neuve du développement. Nous ne pourrons tenter d'être à côté d'eux que si nous disons d'abord « Non merci ». Les motifs de mon « non » éthique ne me mettent donc pas au service de ces cinq réalités actuelles que sont: le paternalisme professionnel, l'idéologie de la rareté, l'esprit de système, la psychologie de la libération et ce « sens commun » désormais à la mode qui affirme que l'auto-assistance, l'autonomie, ou même la responsabilité de soi-même sont, pour les pauvres, les seules chances de survivre en supportant les conséquences de l'enrichissement du reste du monde. Je formule mon « non » éthique à la poursuite de ma santé sous ma propre responsabilité parce que moi je veux chercher mon équilibre dans l'apprentissage de l'art de souffrir et de l'autolimitation dans la recherche du soulagement. La poursuite de la santé normative (conforme aux normes) ne pourrait qu'entraîner l'intériorisation des systèmes mondiaux dans le moi, à la manière d'un impératif catégorique. Le renoncement à la « santé » que j'oppose à cette autolimitation réaliste me semble être le point de départ d'une conduite éthiquement esthétiquement et eudémoniquement adaptée à notre temps. Mais, pour suivre cette argumentation, il nous faut d'abord remonter à la sociogenèse historique de ce à quoi nous voulons renoncer.
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Message  Telimectar Mer 10 Déc 2008 - 1:05

La conception moderne de la santé

La conception de la santé dans la modernité européenne représente une rupture par rapport à la tradition d'Hippocrate et de Galien familière à l'historien. Pour les philosophes grecs, la « santé » se concevait comme une combinaison harmonieuse, un ordre équilibré, un jeu réciproque des éléments fondamentaux. Etait en bonne santé celui qui s'intégrait dans l'harmonie de la totalité de son monde selon le temps et le lieu où il voyait le jour. Pour Platon, la santé était une vertu somatique. Mais depuis le XVIIe siècle, la volonté de maîtriser la nature a remplacé l'idéal de « la santé » par la conception d'une condition humaine dont on peut régir les paramètres. Dans la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis est affirmé le droit à la recherche du bonheur. Le droit à la santé se matérialisa de façon parallèle en France. Dès lors, on s'estimait aussi fond à dire « ma santé » qu'à dire « mon corps ». A l'instar de l'idée voulant que l'Etat garantisse la recherche du bonheur, la quête moderne de la santé est le fruit d'un individualisme possessif.

Il ne pouvait y avoir moyen plus brutal, et en même temps plus convaincant, de légitimer une société fondée sur l'avidité personnelle. De façon parallèle, la notion de responsabilité de l'individu fut admise dans les sociétés gouvernées démocratiquement. La responsabilité revêtit alors la forme d'un pouvoir éthique sur des régions toujours plus lointaines de la société et sur des formes toujours plus spécialisées de prestations par des services « générateurs-de-bonheur ».

De nos jours, la santé et la responsabilité sont des concepts normatifs qui n'indiquent plus aucune voie à suivre. Si j'essaie de structurer ma vie en fonction de tels idéaux irrécouvrables, ils deviennent pernicieux -- je me rends malade. Pour vivre convenablement aujourd'hui, il me faut renoncer de façon décisive à la santé et à la responsabilité. Je dis renoncer et non point ignorer, et je n'emploie pas ce terme pour connoter l'indifférence. Je dois accepter l'impuissance, déplorer ce qui a disparu, renoncer à l'irrécouvrable. Je dois assumer l'impuissance qui peut même me priver de mon conscient, de mes sens.

Je crois profondément à la possibilité de renoncement. Et ce n'est pas par calcul. Le renoncement signifie et exige plus que le [fait de] pleurer l'irrécouvrable. Il peut vous libérer de l'impuissance. Il n'a aucun rapport avec la résignation , l'incapacité ou même le refoulement. Mais, de nos jours, le renoncement n'est pas un concept familier. Nous n'avons plus de mot pour désigner le renoncement courageux discipliné, lucide sur soi-même qui s'accomplit en commun -- or c'est ce que j'évoque ici. Je l'appellerai l'ascèse. J'aurais préféré un autre terme, car l'ascèse nous fait songer à Flaubert et à son saint Antoine au désert, qui repousse la tentation du vin, de la chair et des parfums. En effet, le renoncement dont je parle n'a pas grand-chose à voir avec cette attitude.

Une époque abstraite

Nous vivons dans une époque abstraite et désincarnée. Les certitudes sur lesquelles elle repose sont largement dépourvues de sens. Mais leur acceptation mondiale leur confère une apparence d'indépendance par rapport à la culture et à l'histoire. Ce que j'appellerai l'ascèse épistémologique ouvre la voie à l'abandon de ces certitudes axiomatiques sur lesquelles se fonde en notre temps la vision du monde. J'évoque ici une discipline conviviale et pratiquée de façon critique. Les prétendues valeurs de la santé et de la responsabilité font partie des certitudes que je viens d'évoquer. Quand on les examine en profondeur, on constate que ce sont des phénomènes puissamment morbides et des facteurs de désorientation. Voilà pourquoi je considère l'incitation à assumer la responsabilité de ma santé dénuée de sens, fallacieuse, indécente et, d'une façon très particulière, blasphématoire.

Ce qu'on appelle la « santé » est aujourd'hui une source de confusion pour bien des gens. Les experts dissertent savamment sur les « systèmes de santé ». Certaines personnes croient qu'à défaut d'un accès à des traitements élaborés et coûteux, les maladies séviraient. Chacun s'inquiète de l'augmentation des « dépenses de santé ». On s'entend même parler d'une « crise des soins de santé ». Je souhaite donner mon sentiment sur ces questions.

Tout d'abord, je crois nécessaire de réaffirmer la vérité de la condition humaine: j'ai mal. Je souffre de certains troubles. Il est certain que je mourrai. Certains éprouvent plus intensément la douleur, d'autres sont atteints de troubles plus débilitants, mais nous affrontons tous pareillement la mort.

En regardant autour de moi, je constate que nous avons une grande capacité de nous porter mutuellement assistance, particulièrement lors des naissances, des accidents et des trépas -- et ainsi en va-t-il ailleurs dans le temps et l'espace. A moins d'être désaxées par des nouveautés historiques, nos maisonnées, en étroite coopération avec la communauté environnante, ont été admirablement accueillantes, c'est-à-dire, de manière générale, aptes à répondre positivement aux véritables besoins humains: vivre, célébrer et mourir.

En opposition avec ce vécu, certains d'entre nous en sont venus à croire aujourd'hui que nous avons un besoin désespéré de fournitures marchandes standardisées, entrant toutes sous le label de la « santé », conçues et fournies par un système de services professionnels. Certains s'efforcent de nous convaincre que le nouveau-né arrive en ce monde non seulement sans forces ni capacités, nécessitant donc les tendres soins de la maisonnée -- mais aussi malade, exigeant un traitement spécifique administré par des experts autocertifiés. D'autres croient qu'il faut constamment aux adultes des médicaments et des interventions pour qu'ils atteignent la vieillesse, tandis que les mourants ont besoin de soins médicaux dits palliatifs.
L'asservissement au mythe technique

Nombreux sont ceux qui ont oublié -- ou ne sont plus capables d'en jouir -- ces façons de vivre régies par le bon sens, qui contribuent au bien-être des personnes et à leur capacité de guérir d'une maladie. Beaucoup se sont laissés asservir à un mythe technique qui s'autoglorifie, et dont cependant ils se plaignent parce que, de manière impersonnelle, il appauvrit le plus grand nombre et enrichit une minorité.

Je constate, pour le déplorer, que beaucoup d'entre nous entretiennent l'étrange illusion que tout un chacun a « droit » à quelque chose qui s'appelle les « soins de santé ». Ainsi se trouve-t-on légitimé à recevoir le plus récent assortiment de thérapies techniques, fondé sur le diagnostic d'un professionnel quelconque, afin de survivre plus longtemps dans un état qui est souvent affreux, douloureux ou simplement fastidieux.

J'estime le temps venu d'énoncer clairement que ces conditions et ces situations spécifiques sont des facteurs de morbidité, bien plus que ne le sont les maladies elles-mêmes. Les symptômes que la médecine moderne s'efforce de traiter n'ont guère de rapport avec l'état de notre corps; ils sont, bien davantage, les signes des préjugés et des désordres propres aux façons modernes de travailler, de se distraire, de vivre.

Pourtant, beaucoup d'entre nous sont fascinés par l'éclat des « solutions » high-tech. Nous croyons pathétiquement aux remèdes miracles, nous croyons faussement que toute douleur est un mal qu'il faut supprimer, nous voulons retarder la mort à n'importe quel prix.

J'en appelle à l'expérience personnelle de chacun, à la sensibilité des gens ordinaires, par opposition au diagnostic et aux décisions des professionnels. J'en appelle à la mémoire populaire, par opposition aux illusions du progrès. Prenons en considération les conditions de vie dans notre cercle familial et dans notre communauté, et non pas la qualité des prestations de « soins de santé »; la santé n'est pas une marchandise qu'on distribue, et les soins ne peuvent être prodigués par un système.

Oui, nous avons mal, nous tombons malade, nous mourons, mais également nous espérons, nous rions, nous célébrons; nous connaissons les joies de prendre soin les uns des autres; souvent nous sommes rétablis et guéris par divers moyens. Nous n'avons pas à suivre un chemin uniformisé et banalisé de notre vécu.

J'invite chacun à détourner son regard, ses pensées, de la poursuite de la santé, et à cultiver l'art de vivre. Et, tout aussi importants aujourd'hui, l'art de souffrir, l'art de mourir.
Les droits et libertés des malades

Je revendique certaines libertés pour ceux qui préfèrent célébrer l'existence plus que de préserver la « vie »:

* la liberté de juger moi-même si je suis malade;
* la liberté de refuser à tout moment un traitement médical;
* la liberté de choisir moi-même un remède ou un traitement;
* la liberté d'être soigné par une personne de mon choix, c'est-à-dire par quiconque dans la communauté s'estime apte à guérir, qu'il s'agisse d'un acupuncteur, d'un homéopathe, d'un neurochirurgien, d'un astrologue, d'un sorcier, ou de toute autre personne;
* la liberté de mourir sans diagnostic.

Il ne m'apparaît pas qu'il soit nécessaire aux Etats d'avoir une politique nationale de « santé », cette chose qu'ils accordent à leurs citoyens. Ce dont ces derniers ont besoin, c'est de la courageuse faculté de regarder en face certaines vérités:

* nous n'éliminerons jamais la douleur;
* nous ne guérirons jamais toutes les affections;
* nous mourrons certainement.

Voilà pourquoi, en tant que créatures pensantes, nous devons bien voir que la quête de la santé peut être source de morbidité. Il n'y a pas de solutions scientifiques ou techniques. Il y a l'obligation quotidienne d'accepter la contingence et la fragilité de la condition humaine. Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L'urgence s'impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu'individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l'État.

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Message  Telimectar Mar 3 Aoû 2010 - 21:31

King Arthur a écrit:Alors là j'ai bien lu le texte de Ivan Illich, j'avoue que je suis sidéré par de tels propos.
Je suis d'accord avec toi que l'harmonie du corps et de l'esprit est un bon moyen de faire avancer l'homme. Et les asiatiques ont de très bonnes méthodes à ce sujet : art-martiaux, yoga, méditation, etc.
Mais de là à accepter la souffrance sans vouloir en guérir ( peut-etre pas tout à fait mais du moins presque) là je ne suis pas d'accord.
Je ne parle évidemment pas des médicaments bidons, des anti-biotiques à la con, ou de celui qui veut faire des UV pour ressembler à Marlon Brando.^^
Mais je suis absolument pour l'avancement de la médecine, je priviligie la médecine naturelle évidemment. Ensuite pour quelqu'un de blessé qui a besoins d'une opération, il est tout à fait normal et humain de le faire opérer. Si on peut rendre la vue aux aveugles on le fera, si quelqu'un a une main coupé dont on peut la remplacer par une main mécanique ou autre on le fera également. Je suis pour cette optique là à 100%!
Dans ce texte il prétend que l'homme se construit mieux si il souffre, si il accepte la limitation, et qu'il sera plus compatissant de cette manière. Je trouve que celà est absurde!
La souffrance du corps n'est pas mauvais pour faire évoluer l'homme certe, mais la guérrison est de mise. Contrairement à celui qui a écrit ce texte, je suis absolument pour guérrir n'importe quels maux. Je trouve ça beaucoups plus humain, et je ne trouve pas ça individualiste du tout contrairement à ce que le gas en question a écrit dans ce fameux texte.
Si tu veux savoir je connais quelqu'un qui accepte la souffrance, dont ça ne lui dérange pas de souffrir. Il a connu des souffrance, il sait souffrir, mais par contre c'est pas ça qu'il le rend plus courageux pour autant.^^
Je suis pour des guérrisons miraculeuses si nous sommes capable de les faire tant mieux. Et il n'y a absolument rien d'individualiste, bien au contraire puisqu'il faut une guerrison collective.
Et si tu veux savoir je suis pour la médicine gratuite, personnellement je trouve celà honteux qu'encore à notre époque on fait du commerce sur la médecine. (c'est comme si on devait payer les flics, ou les pompiers pour éteindre un feu lorsqu'il y a un incendie XD)
Je ne vois vraiment pas ou est le rêve dans ce texte que tu adhéres. Sur ce point de vue là je n'ai absolument pas la même optique.
Savoir souffrir est une bonne chose, mais savoir guerrir est primordiale à mes yeux.

Mais il ne dit nulle part qu'il est contre le progrès technique. Il dit juste que la santé dépend de "trois facteurs : prestations techniques, protection de l'environnement et adaptation aux conséquences de la technologie". à la limite il parle d'autolimitation, par ce que la santé, d'une certaine manière, est un luxe. Ce n'est pas pour cela qu'il fait l'apologie de la souffrance (de même que la décroissance ne fait pas l'apologie de la pauvreté).

D'ailleurs quand il parle d'art de souffrir, il ne dit pas que souffrir est un art : c'est que la souffrance est une composante de l'existance, et que la souffrance s'exprime de diverses manières son les culture voir selon les générations!

Il nous jette aussi en pleine figure quelque chose que nous semblons avoir oublié : Tu possèdes ton corps (dans la limitation de la chose suivante), tu ne possède pas ta santé (tout au plus peux-tu y faire attention).

De même, il ne faut pas se fier au mot "renoncement" : comme il le dit
"Nous n'avons plus de mot pour désigner le renoncement courageux discipliné, lucide sur soi-même qui s'accomplit en commun -- or c'est ce que j'évoque ici. Je l'appellerai l'ascèse. J'aurais préféré un autre terme, car l'ascèse nous fait songer à Flaubert et à son saint Antoine au désert, qui repousse la tentation du vin, de la chair et des parfums. En effet, le renoncement dont je parle n'a pas grand-chose à voir avec cette attitude."
C'est donc une position ethique et non pas une pathologie masochiste comme tu sembles le croire. c'est l'attitude raisonnée et philanthropique de celui qui renonce à quelque chose par ce qu'il estime que là ne réside pas le Bien, et qu'en l'occurrence il s'agit d'un leurre qui rassasie uniquement nos égoïsmes.

Si je ne davais retenir qu'un passage, que je trouve caractéristique, ce serait celui-ci :
Certains s'efforcent de nous convaincre que le nouveau-né arrive en ce monde non seulement sans forces ni capacités, nécessitant donc les tendres soins de la maisonnée -- mais aussi malade, exigeant un traitement spécifique administré par des experts autocertifiés. D'autres croient qu'il faut constamment aux adultes des médicaments et des interventions pour qu'ils atteignent la vieillesse, tandis que les mourants ont besoin de soins médicaux dits palliatifs.
L'asservissement au mythe technique. (...)Pourtant, beaucoup d'entre nous sont fascinés par l'éclat des « solutions » high-tech. Nous croyons pathétiquement aux remèdes miracles, nous croyons faussement que toute douleur est un mal qu'il faut supprimer, nous voulons retarder la mort à n'importe quel prix.
Est ce que je me trompe si je pense que toi aussi, tu es de cet avis?

Et si tu relis ses propositions, en trouve tu une seule qui fasse l'apologie de la souffrance (ou refuse de guérir) ou nie à la médecine classique son efficacité pour réparer/guérir ce qui peut l'être?
* la liberté de juger moi-même si je suis malade;
* la liberté de refuser à tout moment un traitement médical;
* la liberté de choisir moi-même un remède ou un traitement;
* la liberté d'être soigné par une personne de mon choix, c'est-à-dire par quiconque dans la communauté s'estime apte à guérir, qu'il s'agisse d'un acupuncteur, d'un homéopathe, d'un neurochirurgien, d'un astrologue, d'un sorcier, ou de toute autre personne;
* la liberté de mourir sans diagnostic.
-je pense donc que tu t'es laissé emporter (et c'est compréhensible) par ce que les implications de ce texte nous remettent profondément en cause.
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Message  KingArthur Mer 4 Aoû 2010 - 9:43

Telimectar a écrit:-je pense donc que tu t'es laissé emporter (et c'est compréhensible) par ce que les implications de ce texte nous remettent profondément en cause.

Oui c'est possible, d'autant plus qu'autrefois il y avait des remèdes naturels de guerrison qui se sont perdus aujourd'hui.
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Message  Meneldil Dim 8 Aoû 2010 - 4:41

Oui, enfin, pour que tu ne me dises pas la même chose Wink , je maintiens : il y a quand même du grand n'importe quoi dans ce texte... En vrac :

Ivan Illich a écrit:Certaines personnes croient qu'à défaut d'un accès à des traitements élaborés et coûteux, les maladies séviraient.

Tout le problème est de savoir ce qu'il entend pas "traitements coûteux". Sans les antibiotiques, des maladies bactériennes séviraient, oui.

Ivan Illich a écrit:Tout d'abord, je crois nécessaire de réaffirmer la vérité de la condition humaine: j'ai mal.

Shocked Rolling Eyes Incroyable... La condition humaine serait donc la souffrance permanente ? Non, je ne crois pas. Pour moi la souffrance devrait être l'exception. Et pour ça, l'aspirine, ça aide.

Ivan Illich a écrit:Je constate, pour le déplorer, que beaucoup d'entre nous entretiennent l'étrange illusion que tout un chacun a « droit » à quelque chose qui s'appelle les « soins de santé ».

Shocked Rolling Eyes Idem... La santé n'est plus un droit ? Ben c'est quoi alors ? Un privilège ?

Ivan Illich a écrit:Il n'y a pas de solutions scientifiques ou techniques.

Si. Pas à tout, et on peut les rejeter à cause de leurs conséquences, c'est ce qu'on fait à TA (en partie). Mais les nier est stupide. On est aujourd'hui capables de guérir certaines tumeurs malignes, ce n'est pas une solution technique ?

Il y en a plein d'autres, mais j'ai la flemme... Je ne dis évidemment pas qu'il n'y a rien de vrai ou d'intéressant dans ce texte, mais j'ai quand même, au fond, un peu l'impression de lire Antonin Artaud qui glorifiait ses maladies et ses souffrances... Je pense fondamentalement qu'il exagère beaucoup.
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Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich Empty Re: Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich

Message  Telimectar Dim 8 Aoû 2010 - 9:55

Mdr je suis assez d'accord avec toi pour dire que les formulations que tu cites sont maladroite, ou dumoins que personellement je les comprends.

Par exemple quand il dit "Certaines personnes croient qu'à défaut d'un accès à des traitements élaborés et coûteux, les maladies séviraient.", je fais tout de suite le lien avec ces drogues que l'ont faisait venir de l'étranger à grand frais (le quinquina par exemple) alors que poussent à nos pieds des plantes aux principes analogues et de grande qualité (le marrube blanc), mais qui ont le défaut majeur d'être "vulgaires".
Si effectivement on applique par exemple cette affirmation à notre chirurgie réparatrice, là elle perd aussi à mon sens toute valeur.
Meneldil a écrit:
Ivan Illich a écrit:Tout d'abord, je crois nécessaire de réaffirmer la vérité de la condition humaine: j'ai mal.
Shocked Rolling Eyes Incroyable... La condition humaine serait donc la souffrance permanente ? Non, je ne crois pas. Pour moi la souffrance devrait être l'exception. Et pour ça, l'aspirine, ça aide.
Nous sommes d'accord Laughing toutefois je pense que la portée de son affirmation est plus philosophique (ou métaphysique..beuark) : m'est avis qu'il veut simplement rappeler en quoi la souffrance (bien que détestable) fait partie de l'ordre des choses, de même que les maladies etc. et je pense qu'il n'est pas innapproprié de renouveler notre vision de ces choses, de les replacer dans l'ordre du monde, et de mieux comprendre leurs implications (toujours dans cette optique métaphysique).

Sinon je martèle avec toi que la santé est un droit, mais que le système de santé qu'on impose aujourd'hui, avec ses lourdeurs etc. n'est pas un bien.

Quant aux solutions techniques et scientifiques, j'expliquerai juste son idée en disant que seules, elles sont stupides : elles doivent appuyer une philosophie du soin, qui est aujourd'hui à renouveller...

En tout cas, je te rassure, j'ai bien mis ce texte pour nous interpeller sur cette question, mais comme je disais à K-Arthur, je me garde bien de faire l'apologie de la souffrance, et pour ma part, je ne l'y ai pas trouvée (par contre je vous condède que son ton est assez critique et qu'il s'en dégage une certaine violence Laughing.
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Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich Empty Re: Le renoncement à la santé, d'Ivan Illich

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